Sœurs et frères, chers amis,
Le 3 juillet dernier dans notre Cathédrale St Pierre, votre archevêque, Mgr Carré, au moment de partir, vous invitait à prier pour son successeur. Il vous disait : “D’ici quelques jours, son nom sera connu. Accueillez-le avec reconnaissance comme celui qui vous est donné par le Seigneur. Ce qui importe, c’est qu’il trouve des personnes disposées à travailler avec lui à l’annonce de l’Évangile. Demandons au Seigneur que le nouvel archevêque ouvre avec vous et pour vous les chemins de l’avenir”.
Sœurs et frères, me voici maintenant devant vous, mais j’ai conscience que l’avenir ne commence pas avec moi. Je prends ma place dans une succession, dans une histoire, la vôtre, qui devient la nôtre. L’avenir, il appartient à Dieu et il est déjà engagé dans notre Église diocésaine. C’est dans sa direction que nous allons le poursuivre ensemble, sous l’impulsion de l’Esprit Saint et en collaborant avec Lui. Moi, je vous rejoins, humblement, à cette nouvelle étape de notre vie diocésaine.
Elle s’ouvre par cette question de Jésus à Pierre ” M’aimes-tu “ ?
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que le Seigneur me la pose à travers vous, en vous faisant également les témoins de ma réponse.
“M’aimes-tu ?” je l’entends de plus loin encore par la voix de celles et ceux qui ne partagent pas notre foi, mais aspirent à une société plus juste, plus humaine, plus fraternelle, qui, inlassablement, sont des chercheurs et des artisans de paix.
Je la reçois aussi par la voix des plus petits, des plus fragiles, des plus pauvres, de celles et ceux qui sont oubliés, écartés, rejetés, abandonnés. “M’aimes-tu ?”.
Pour Jésus aucune personne n’est insignifiante ou inutile au point de n’avoir rien à dire.
Alors, le premier réflexe de l’évêque, c’est d’écouter avant de répondre trop vite, écouter pour comprendre et entendre tous ces appels à aimer que l’Esprit Saint lui révèle par ces voix multiples.
• de l’Église,
• de la société et
• du monde
Ils vont éclairer et guider sa mission en prenant appui sur la Parole de Dieu, “lumière sur sa route et lampe sous ses pas”.
On ne comprend rien à rien si l’on n’écoute pas.
Priez pour que votre évêque ait un cœur universel et de bonnes oreilles pour écouter.
Si je parle trop et ne vous écoute pas assez, faites-moi la charité de me le dire. Merci.
Aussi, à la question que tu poses à Pierre et qui retentit aujourd’hui dans notre assemblée, comme lui, je te réponds : “Oui Seigneur tu sais bien que je t’aime”. Serais-je à la hauteur ? Je n’en suis pas sûr, parce que je connais mes propres faiblesses, mon péché, mes limites comme Pierre a fait l’expérience des siennes.
En effet Jésus met la barre haut et lui demande s’il l’aime d’un amour total, absolu, illimité, infini, d’un amour qui fait entrer dans la plénitude de Dieu. Oh la la !!!pauvre Pierre !!!. Il réduit la voilure, en lui répondant : je t’aime d’amitié. Il ne se sent pas prêt à donner plus, car Pierre n’oublie pas qu’il a eu peur pour sa vie au point de renier son Maître trois fois.
Déception pour Jésus ? Non, à la troisième question, Jésus va l’interroger comme Pierre lui a répondu: “M’aimes-tu d’amitié ?”
Elle est là l’humilité de Dieu et quelle belle humilité. Il rejoint Pierre, là où il en est. Il fait pareil avec nous. Il accueille ce que Pierre peut lui donner. Il ne lui demande rien de plus.
Jésus ne raye pas les personnes de son livre à la première erreur commise, mais malgré le reniement, Il dépose, en toute confiance, le troupeau entre les mains de Pierre pour “qu’il veille sur lui et en soit le modèle” tel qu’il l’écrit lui-même dans sa première lettre ». Voilà la grandeur incommensurable de l’amour du Christ. Comment ne pas l’aimer ?
L’aimer Lui, c’est vous aimer vous. C’est dans le même élan, dans le même mouvement, dans une même action de grâce. Ce sont les deux faces d’un unique amour où tout se tient dans l’amour du Christ.
Aujourd’hui le Seigneur me confie à vous et il vous confie à moi par la volonté du successeur de Pierre, le Pape François.
Prendre soin du troupeau, ce n’est pas le regarder de haut et le diriger de loin par contrainte, non c’est marcher avec lui de plein gré, avec dévouement, amour et proximité.
• Marcher ensemble avec vous mes frères prêtres, diacres, consacrés, fidèles laïcs,
• avec vous les enfants et les jeunes, avec votre vitalité, votre enthousiasme, vos projets de vie, vos espérances,
• avec toutes celles et ceux, croyants ou pas qui veulent avancer dans le sens de la vie,
et nous avons encore du chemin à parcourir ensemble. Quel bonheur !
Si je me sens pleinement le pasteur des catholiques de notre diocèse, je me sens aussi pleinement l’évêque et l’ami de tous, de vous qui croyez au ciel et de vous qui n’y croyiez pas. J’ai appris ceci : on s’enrichit toujours des différences de l’autre, même s’il ne pense pas, n’agit pas, ne croit pas comme nous. Cela fait partie du dialogue fraternel que tout pasteur a le devoir de mettre en pratique dans son diocèse.
Alors rendez-moi un service, si vous trouvez que je passe trop de temps derrière mon bureau à la Villa Maguelone, et pas assez de temps à marcher avec vous, à respirer l’air que les gens respirent, faites-moi la grâce de me le dire ?
C’est sur cette route de la mission qu’à la suite de mes prédécesseurs, nous allons partager cette amitié avec le Seigneur pour qu’elle devienne :
• service de l’autre,
• attention à l’autre,
• respect et accueil de l’autre,
Amour d’amitié appelé à devenir plénitude, quand Pierre donnera sa vie comme Jésus le lui avait annoncé :
“Quand tu seras vieux, un autre te mettra la ceinture pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller, lui signifiant ainsi par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu”.
C’est l’engagement que nous prenons le jour où nous sommes ordonnés évêque :
“Oui, j’accepte la charge au service du Peuple de Dieu et je m’engage à la remplir jusqu’à la mort, avec la grâce de l’Esprit Saint”.
St Augustin commentait ainsi ce passage du chapitre 21 de l’Évangile de Jean : “Lorsque le Seigneur interroge Pierre, c’est nous qu’il interroge, c’est l’Église qu’il interroge. Au reste, précise-t-il, Pierre ne portait-il pas en lui, le visage de l’Eglise ?”
Église de Montpellier, Béziers, Agde, Lodève et St Pons de Thomières, tu as entendu toi aussi, la question du Seigneur Ressuscité : “M’aimes-tu ?”.
• Présentes-tu le visage d’une Église aimante ?
• Te reconnait-on pour l’amour que tu portes à ton Seigneur et à tous, sans exclure, ni juger personne ?
L’amour pour le Seigneur est indissociable de l’amour de tous.
L’amour du Christ pour tous n’est pas sélectif c’est pour cela qu’il dérange. Jésus le dit lui-même : “Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ?”.
Le témoignage de l’Église, et je le crois profondément, c’est d’aller jusqu’à aimer des gens que d’autres n’aiment plus, n’aiment pas, jugent infréquentables, qu’ils écartent et condamnent. Ne pas les aimer serait aller contre l’Evangile. L’amour du Christ est universel, tourné vers tous, et non autocentrée sur nous-mêmes et nos petits cercles d’initiés.
Il n’y a rien de pire que de s’entendre dire: “vous ne m’aimez pas”.
L’Église doit déranger le monde par sa pratique de la charité du Christ, si elle ne le fait plus, elle entre en sommeil, mais cela n’est pas possible à cause de “Celui qui nous a aimé et a donné sa vie pour le salut du monde”.
Puisque Dieu est amour, L’Église de Son Fils se construit dans l’amour pour agir avec amour.
Église de Montpellier, Béziers, Lodève, Agde, St Pons de Thomières, le Seigneur n’attend pas de toi, de grandes déclarations mais que tu laisses parler ton cœur et ta foi, et l’Esprit du Seigneur agira en toi.
Ton « je t’aime » lui suffit, alors Il te dit : « Viens-suis moi ». Ne sois pas étonné qu’ensemble, le Christ Bon Pasteur, nous conduise là où nous n’aurions jamais pensé ou imaginé aller, sur des chemins qui ne nous sont pas familiers et qu’il ouvre pour nous. N’aie pas peur !
Oui, la mission est une histoire d’amour qui traduit, exprime, manifeste celui de Dieu pour toute l’humanité.
Une histoire d’amour que nous célébrons dans chaque eucharistie, comme nous la célébrons tous les jours de notre vie et que nous portons dans notre prière quotidienne.
La mission se déploie vraiment quand “l’Église entre dialogue avec le monde dans lequel elle vit quand elle se fait parole, message, conversation” selon la belle expression du Pape St Paul VI. (Ecclesiam Suam 67)
La mission nous appelle à cette rencontre fraternelle qui nous permet d’entendre les appels du monde, le cri de la terre, celui des pauvres, des hommes et des femmes de toutes générations qui, plus que jamais, en ces temps incertains, cherchent des raisons de vivre, de croire, d’espérer, d’aimer et aspire à un nouveau souffle.
Nous formons ensemble une Église pour aider le monde à respirer, en lui proposant
• l’air frais et revivifiant de l’Évangile,
• le souffle bienfaisant et consolateur de l’Esprit Saint qui s’alimente et s’entretient dans le creuset de la prière.
• sans oublier la chaleur de notre amitié qui plonge ses racines dans l’amour du Christ pour tous.
Sœurs et frères bien-aimés, c’est pour cela que j’ai dit au Seigneur : “Me voici, envoie-moi !”. C’est tout cela que je veux vivre, passionnément avec vous, le temps que le Seigneur voudra.
Je me tourne, en terminant, vers Marie Notre Dame des Tables, notre Mère, elle qui a dit Oui à l’appel de l’Esprit Saint. Que sa prière maternelle nous aide à conserver toujours présent en plein cœur ce que Jésus nous demande inlassablement : “M’aimes-tu ?”. AMEN
+ Mgr Norbert Turini
Archevêque de Montpellier